Quel impact aura le Brexit sur l’imprimerie en ligne ?
Un des marchés les plus concurrentiels d’Europe
Jusqu’à présent, le Royaume-Uni était un poids lourd du secteur, constituant d’après mes calculs le 3ème marché d’impression en ligne en Europe derrière l’Allemagne et la France, avec une intensité concurrentielle très élevée. On compte ainsi beaucoup d’acteurs nationaux (Printing.com / Grafenia, Tradeprint, Moo, Route1-InstantPrint, Vispronet, PrintedEasy, Youloveprint, Where The Trade Buys, Solopress, Printed.com, Mixam…) qui affrontent des opérateurs européens qui tentent de prendre leur part du gâteau britannique : Vistaprint, Saxoprint, OnlinePrinters, Pixartprinting, UnitedPrint, ainsi que plusieurs néerlandais comme Probo ou Drukzo.
Toujours d’après mes estimations, cette forte intensité concurrentielle fait qu’aujourd’hui, la balance commerciale du marché de l’imprimerie en ligne est déficitaire au Royaume-Uni. En clair, le pays produit moins d’imprimés destinés à la vente en ligne qu’il ne s’en vend sur son territoire.
Les affres du cauchemar logistique en cas de Brexit dur
La seule certitude sur laquelle tous les observateurs s’accordent, c’est qu’en cas de Brexit dur (voire même soft), la logistique va devenir cauchemardesque. Le pays dépendant énormément sur ses importations, tous les opérateurs de transport se préparent à des allongements des délais de dédouanement et d’entrée dans le pays. Talon d’Achille du eCommerce, ces craintes sur la logistique, combinées aux incertitudes qui pèsent sur les futurs taux de change livre-euro, et sur les risques d’effondrement de l’économie britannique, conduisent un grand nombre d’opérateurs européens à envisager un retrait ou une réduction de leur présence au Royaume-Uni. Ils craignent que vendre et livrer en UK depuis l’Europe ne soit tout simplement plus rentable par manque de compétitivité. De leur côté, les imprimeurs en ligne font peu ou prou le même constat, en revoyant leurs perspectives de développement. Au lieu d’envisager un développement vers l’Europe, il semble qu’ils se tournent plutôt vers leurs cousins d’Amérique du Nord : Grafenia développe ainsi son réseau Nettl aux USA, et Moo indique désormais que la majorité de son activité est réalisée aux USA [source].
Vers une redistribution des cartes en France en effet rebond
Que font faire les opérateurs européens qui avaient une présence forte au Royaume-Uni ? Comme je vous l’expliquais, quasiment tous y anticipent un effondrement de leurs ventes. En conséquence, certains « gros » se préparent à retirer leurs billes doucement, en annonçant des profit-warning. D’autres, en particulier les néerlandais, très affectés par la perte que le marché anglais peut représenter, cherchent de nouveaux débouchés. Or en Europe, il n’en existe pas 10 : l’Allemagne est le plus gros marché, mais il est extrêmement difficile d’y entrer en raison de l’extrême maturité du marché, et des particularités règlementaires liées au eCommerce dans ce pays. Reste le 2nd marché européen, la France…
Comme le Royaume-Uni, le marché français connaît une balance commerciale – malheureusement – déficitaire. Le marché est hautement concurrentiel, mais les affres qu’y subissent les majors historiques laissent la place à de nouveaux acteurs, qui grignotent des parts de marché.
Dotés de fortes capacité de production, de hauts standards de qualité et rodés aux méthodes de webmarketing, certains opérateurs néerlandais voient dans le marché français un beau potentiel pour compenser ce qu’ils perdront en Angleterre… Il y a fort à parier que notre secteur va encore tanguer dans les mois à venir.
Une opportunité pour les « petits » imprimeurs français ?
Les imprimeurs français pourraient se dire qu’ils se moquent du Brexit comme de l’an 40. Et pourtant, d’une façon ou d’une autre, ils risquent d’en être affectés, notamment par la guerre des prix qui risque d’être relancée par l’entrée de nouveaux acteurs. Pour autant, il y a peut-être des opportunités à saisir. En cas de Brexit dur, le marché anglais va subir des problèmes d’approvisionnement qui impacteront sans nul doute la filière graphique anglaise. Victime de pénuries, elle ne pourra pas honorer toutes ses commandes… alors si en tant qu’imprimeur vous êtes un roi de la logistique, pourquoi ne pas tenter de livrer les anglais depuis la France ? Via un site eCommerce, une marketplace comme Amazon ou une API, c’est tout sauf de la science-fiction !