Anticiper et gérer la hausse des prix des matières premières dans l'imprimerie en ligne
Après une année 2020 très difficile, et un début d’année 2021 pour le moins morose, les imprimeurs risquent d’avoir une nouvelle crise à affronte : celle de la hausse soudaine de leurs matières premières. Conséquence de la crise sanitaire, la consommation du polypropylène a explosé notamment pour la production de tests PCR. La pénurie guette, car la récente vague de froid au Texas a considérablement accentué les tensions sur la production de cette matière première désormais considérée comme stratégique, avec pour conséquence, une augmentation très forte des prix des matières premières PP et PE, et aussi PVC. Mais cette hausse n’affecte pas que ces 3 matières premières : en cascade, ce sont les encres, les films de pelliculage… qui voient leurs tarifs augmenter, dans des fourchettes comprises entre 6 et 11%.
Ajoutez à cela un trafic aérien ralenti à l’échelle mondiale, et une sursollicitation du transport maritime avec des cours du fret mer qui s'envolent, et vous avez tous les ingrédients pour une envolée des prix des matières premières de l’imprimerie. Encres, films, packagings… les annonces se sont multipliées cette semaine. Et ce n’est pas fini, car on peut parier sur la voracité de certains spéculateurs pour accentuer cette inflation.
En tant qu’imprimeur en ligne, comment réagir ?
Clairement, pour les imprimeurs, c’est la double-peine : ils vont devoir annoncer à leurs clients que les tarifs augmentent, avec comme conséquence, une réduction probable des marges et le risque – majeur – que leurs clients réduisent leurs commandes au profit d’autres canaux à la volatilité moindre (comme le marketing digital). Il faut donc élaborer dès à présent une stratégie pour atténuer au maximum les conséquences, et éviter de subir passivement les décisions des fournisseurs.
Plusieurs options s’offrent à l’imprimeur en ligne qui voit ses prix de matières premières s’envoler… Essayons de les décortiquer pour envisager les solutions possibles :
- Privilégier la hausse du nombre de commandes au détriment du taux de marge
- Faire le dos rond : si leur marge est suffisamment « confortable », ou s’ils disposent de suffisamment de trésorerie ou d’un reste de PGE , certains imprimeurs pourront encaisser une hausse des prix des matières premières sans augmenter leurs tarifs, en jouant sur le fait que la baisse de leur taux de marge sera compensée par une hausse de leur « masse » de marge, en valeur absolue, le fait de maintenir leurs prix alors que la plupart des concurrents vont les augmenter étant de nature à augmenter le nombre de commandes. C’est un moyen intelligent de conquérir des parts de marché et de fidéliser, à condition de communiquer suffisamment sur le sujet ;
- Sur-stocker : à l’annonce des hausses de prix des fournisseurs (entre le 1er avril et le 1er mai), certains imprimeurs peuvent aussi être tentés de sur-stocker au cours actuel, s’ils disposent de la trésorerie suffisante, afin de maintenir le plus longtemps possible leurs prix de vente actuels. Là aussi, alors que leurs concurrents devront augmenter leurs tarifs, cette démarche pourrait permettre de conserver des clients et d’en conquérir de nouveaux attirés par des prix intéressants. Mais cette approche trouvera rapidement ses limites compte-tenu de l’aspect stratégique que revêtent ces matières premières, et des probables quotas que risquent d’imposer les fournisseurs. Sans compter que ce n’est pas très moral comme démarche en temps de pénurie.
- Préserver son taux de marge, au détriment du nombre de commandes : concrètement, et c’est probablement le choix que fera une majorité d’imprimeurs, cela consiste à répercuter au client final la hausse des prix des matières premières, soit sous la forme d’une hausse globale du prix de vente, soit sous forme de « surcharge » comme on en trouve par exemple dans le transport. A la clé, si les contrats commerciaux le permettent, cela garantit un maintien du taux de marge, mais avec le risque, compte-tenu de la hausse des prix, d’une réduction du volume de commandes, et donc du chiffre d’affaires. Dans cette voie, plusieurs démarches sont possibles :
- Anticiper la hausse des prix : dès à présent, prévenir ses clients et appliquer par anticipation la hausse des prix en une fois, en spéculant sur un niveau moyen de hausse. L’imprimeur prend ainsi un peu d’avance en jouant le décalage entre augmentation de ses prix de vente vs. prix d'achats, et n’annonce qu’une seule hausse des prix à sa clientèle sur un semestre…
- Répercuter en temps réel : au fur et à mesure que les fournisseurs augmentent leurs prix, l’imprimeur répercute la hausse auprès de ses clients, par un effet mécanique. Si cette méthode est la plus « franche » en théorie, elle présente un double inconvénient : multiplication des annonces de hausses de prix, et complexité répétée des calculs. Avec à la clé, des clients qui risquent de se lasser des constantes hausses…
- Rattraper en décalé, en créant en effet d'aubaine : une autre façon d’agir consiste à prévenir ses clients d’une hausse des prix, mais en décalé. Concrètement, leur dire que les prix des matières premières augmentent le 1er avril, mais que dans leur intérêt, vous ne les répercuterez qu’au 1er juillet par exemple. Certes, pendant 3 mois, vous allez rogner votre marge, mais commercialement vous allez créer un effet d’aubaine chez vos clients qui vont avec un peu de chance anticiper leurs commandes pour sur-stocker avant la hausse des prix. En termes d’images, cette approche sera également plus positive…
- Revoir son offre produit pour trouver une alternative : même si le cours du papier repart aussi à la hausse, ce sont surtout les produits issus de la pétrochimie qui sont consernés par la hausse des prix. Dans ce cas, une alternative stratégique peut consister à s’orienter – si bien sûr votre parc machine le permet – vers des matières différentes, moins dépendantes de la pétrochimie, que ce soient en supports, en finitions ou dans les encres. Certes, le délai est court, mais nous avons là un bel exemple où les tensions sur l’approvisionnement issu des énergies fossiles peut accélérer une mutation.
Bref… ça va tanguer, une nouvelle fois, donc il vaut mieux anticiper que de subir ! A vous de trouver l’option qui vous correspond le mieux, à vous comme à vos clients, et à la mettre en place très vite. Pour vos clients stratégiques, je vous conseille de les contacter et de leur exposer la situation, pour essayer de trouver une solution co-construite.
Sources :
Crédit image : Webstat Banque de France