Rétrospective 2021 et prédictions 2022 pour l'imprimerie en ligne
2021, année-surprises…
Majors au point mort
Le premier enseignement de l'année 2021 a été le recul des majors en particulier pour les sociétés qui basaient une part importante de leur chiffre d'affaires sur l'impression photo. Après une année 2020 assez folle, le recul de la demande a impacté leur chiffre d'affaires de façon assez importante sans que les autres activités – en particulier l'imprimerie commerciale – ne réussissent à compenser intégralement ces pertes. On a ainsi assisté en 2021 à des niveaux de chiffre d'affaires inférieurs à ceux de 2019 chez les majors, alors que ces niveaux semblaient être dépassés chez des opérateurs plus petits… A suivre en 2022 pour voir comment les choses évoluent.
Canva-et-vient
Après un début d'année marqué par la recherche de partenaires dans l'imprimerie en ligne pour intégrer son éditeur à ces plateformes, la start-up australienne Canva a décidé de faire volte-face à l'été dernier : elle a opéré un véritable pivot stratégique pour intégrer le print comme canal de sortie dans sa propre plateforme afin de gagner de nouveaux revenus sur la vente d'imprimés, et peut-être préparer ainsi son entrée en bourse. L'offre Canva Print portée par le partenariat avec Kornit s'est ainsi développée dans les pays où Canva est présent ; on a pu également constater au travers des investissements et des recrutements une forte dynamique chez Canva sur ce marché. La réaction des principaux concurrents de Canva n'a pas tardé à arriver, avec tout d'abord Vistaprint qui a adapté son modèle pour devenir la plateforme multicanal Vista en rachetant Crello et Depositphotos pour proposer une solution complète de design en ligne et d'impression, adossée à la puissance de la plateforme d'impression mondialisée de Cimpress. Plus récemment, Adobe a fait évoluer son offre Creative Cloud pour proposer une version gratuite appelée Creative Cloud Express dont les fonctionnalités se rapprochent de celle de Canva. On assiste ainsi à une bataille du design en ligne avec la constitution d'écosystèmes / marketplaces de services associés. L'imprimerie devient un canal de de diffusion parmi d’autres, au même titre que la publication sur les réseaux sociaux ou sur des plateformes de vidéo en ligne. Personnellement, je vois 2 dangers à cela : le premier, c'est le fait de galvauder le rôle des designers et des concepteurs graphiques, avec une tendance à l'ubérisation de ces beaux métiers, dont les tarifs risquent être tirés vers le bas ; le second, c'est que l'imprimeur ne devienne plus qu'un fournisseur anonyme, sous-traitant de ces méta-plateformes avec là aussi un risque majeur d'ubérisation et de fragilisation des petites imprimeries, qui deviendraient totalement tributaires des jobs envoyés par ces plateformes. Mais ce modèle ouvre aussi de nouvelles perspectives : il va permettre à de nouveaux opérateurs de se différencier par leur créativité, leur proximité et la qualité des services qu’ils proposent en alternative, mais cela prendra du temps et bouleversera inévitablement la filière.
Rocket Headless
L'année 2021 a également été marquée par la montée en puissance des solutions de Print-On-Demand, avec plusieurs levées de fonds spectaculaires (Gelato, Printful, Printify…) consécutives à la croissance très forte des revenus de cette industrie pendant la pandémie. Clairement ce modèle d'imprimerie virtualisée (ou headless) a été le grand vainqueur des 2 dernières années. Il a su profiter de la croissance phénoménale du commerce électronique dans le monde en adaptant l'offre d'imprimerie aux nouvelles attentes de ces e-commerçants. Ce succès a inspiré de nombreux opérateurs de plus petite taille, ce qui a conduit à l'apparition de tout un tas de nouveaux services de web-to-print, ou à la refonte de plateformes existantes dont l'offre de services n'était plus adaptée. Les éditeurs logiciels comme les fabricants de machines ont également fait évoluer leurs solutions pour répondre à la demande. La tendance du low-code que l'on observe dans toute l'industrie informatique a également favorisé la mutation des plateformes d'imprimerie en ligne et l'apparition d'une nouvelle génération de sites internet, en particulier dans des domaines porteurs comme l'étiquette adhésive ou l'emballage. Domaines dans lesquels on a pu observer sur l'année passée de nombreuses levées de fonds et des fusions-acquisitions. Ces nouvelles plateformes ont également pu permettre à plusieurs opérateurs de dimension européenne de s'attaquer à de nouveaux pays où le commerce électronique se développe : Suisse, Espagne ou Belgique ont particulièrement attiré les convoitises.
Nous avons pu voir aussi au cours de cette année l'émergence de nouveaux modèles inspiré par les nouveaux modes de consommation comme le Quick commerce avec des services d'impression en ligne en délai extrêmement courts.
Bad News
Au rayon des mauvaises nouvelles, outre la très forte baisse d'activité au premier semestre observé en Europe, l'augmentation des prix et les pénuries de matières premières ont fortement impactés le quotidien des imprimeurs dans tous les pays d'Europe. Certains ont fait le choix de répercuter les hausses de prix de leurs fournisseurs, d'autres à l'inverse ont essayé de limiter les impacts sur leurs clients de façon à essayer de préserver au maximum leur activité. L'absence ou le report de salons professionnels (Drupa, C ! Print ou Online Print Symposium) a également pesé sur la filière, de nombreux professionnels n'ayant pas eu l'occasion de voir les nouvelles générations de machines ou de rencontrer leurs interlocuteurs habituels. Enfin plusieurs cyberattaques, et l'incendie du Data Center d’OVH on cruellement rappelé à toutes celles et ceux qui souhaitent se développer dans la vente en ligne que la cybersécurité devait être un enjeu majeur de leur stratégie, auquel il fallait consacrer de lourds investissements.
Prédictions 2022
1er semestre meilleur que 2021
L'année 2022 selon moi va prolonger les tendances observées en 2021 : en premier lieu la filière va toujours être confrontée à de fortes tensions sur les approvisionnements et les prix des matières premières, ce qui va peser forcément sur les volumes d'achat et d'impression. Malgré tout, par rapport à l'année 2021, je pense que l'on devrait observer un premier semestre plus dynamique, grâce aux progrès de la vaccination qui vont probablement permettre de maintenir ouvertes un certain nombre d’activités, notamment dans l’événementiel, ce qui devrait naturellement booster la demande. Dans la filière de l'imprimerie, tout le monde attend avec impatience l'ouverture des salons professionnels au premier rang desquels le salon C! Print en février, LabelExpo et OnlinePrint Symposium au printemps. Ne pas oublier toutefois que, comme pour chaque année d’élection, l’activité peut être en demi-teinte, l’économie retenant sa respiration jusqu’aux résultats. Mais globalement, je pense que l’on devrait dépasser les niveaux de 2021, voire revenir à ceux de 2019.
CanWar
La guerre entre plateformes de design en ligne (Canva, Vista et Adobe Creative Cloud Express) devrait s’intensifier avec une course à l’armement, qui sait avec peut-être l’entrée en bourse de Canva… Sans oublier Amazon qui de mon point de vue, attend gentiment en embuscade le bon moment pour attaquer…
eMprimerie
Sur un plan plus large je pense que l'imprimerie va continuer à s'orienter de plus en plus vers le commerce électronique. Bien évidemment, cela va passer par l'augmentation du nombre d'imprimeries en ligne, avec une offre plus étendue, mais aussi et surtout par le développement de solutions pour les e-commerçants : soit au niveau des produits proposés pour intégrer le print comme levier de dynamisation de la conversion et de la fidélisation (à l’exemple de Moo ou Pingen), soit au niveau de l'inter-connexion avec le développement de solutions de Print-On-Demand et d’imprimerie Headless.
Se regrouper ou Périr ?
La vague de fusions et d'acquisitions qui a commencé en 2021 portée notamment à toutes les aides gouvernementales va se prolonger – et à mon avis – s'accentuer en 2022. Le revenu moyen d’une imprimerie française devrait ainsi passer de 5 M€ à 50 M€ pour se rapprocher de ce que l'on peut observer par exemple en Allemagne. Cette tendance va ainsi permettre aux nouveaux acteurs de peser plus fortement sur le marché, au niveau des approvisionnements et des investissements, notamment dans le web-to-print. Je crains que les petits indépendants aient de plus en plus de difficultés à rester suffisamment compétitifs pour résister…
Combattre les fake news
Ma dernière prédiction pour 2022, c'est que l'imprimé va retrouver sa place dans le mix marketing des entreprises. Elles devraient progressivement découvrir la face cachée du marketing digital que ce soit au niveau du coût réel, de ses performances « fake », ou de son impact environnemental beaucoup plus lourd que l’on n’imagine… Et ainsi reconsidérer les « bons vieux » canaux comme l’imprimé, qui séduit toujours plus les jeunes générations, en quête de nouvelles expériences, et dont le retour sur investissement est parfois supérieur au digital.
Qui sait, peut-être que les différentes associations d’imprimeurs vont enfin se décider à lancer une campagne de lobbying et de relations publiques pour défendre l’imprimé. On peut rêver, c’est de saison…
Et vous, que prédisez-vous ?